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Les muons nous mèneront-ils vers une nouvelle physique ?

par Sophie Trincaz - 9 avril 2021

Depuis plus de 10 ans, la mesure des propriétés magnétiques du muon [1] (une sorte de cousin éphémère de l’électron) est en désaccord avec les prédictions théoriques, suggérant une possible lacune du modèle standard de la physique des particules [2] et laissant entrevoir une physique plus exotique.

Ce 7 avril 2021 a été dévoilé le premier résultat de l’expérience « Muon g-2 » de Fermilab, qui mesure l’une de ces propriétés du muon appelée « moment magnétique ».

Si la France ne participe pas directement à cette expérience, une équipe du CNRS [3] dans laquelle est impliqué Bogdan Malaescu, chercheur au LPNHE, a joué un rôle déterminant dans le calcul de la prédiction théorique choisie comme référence et sans laquelle aucune conclusion n’est possible. Pour déterminer la contribution, dite de polarisation hadronique du vide, qui limite actuellement la précision du calcul, cette équipe utilise des mesures effectuées auprès de collisionneurs électron-positon. Cette approche exacte, dépendant seulement de la précision des mesures, a été développée et améliorée par cette équipe depuis plus de 20 ans.

Comparaison entre les prédictions théoriques et la mesure réalisée avec l’expérience du Brookhaven National Laboratory) il y a 20 ans. La valeur “DHMZ19" correspond au résultat obtenu par l’équipe du CNRS dans laquelle travaille Bogdan Malaescu du LPNHE. Ce résultat prend en compte de nombreux effets subtils dans le traitement de données. La valeur “WP20” est utilisée comme prédiction de référence, résultat d’une comparaison conservative avec les autres groupes travaillant sur ce sujet (comme par exemple KNT19). Cette figure reflète l’état des connaissance avant la nouvelle mesure réalisée par l’expérience « Muon g-2 » de Fermilab.

La mesure de Fermilab qui vient d’être révélée est plus grande que la prédiction théorique de référence [4] de 3.3 unités standard, et cette différence passe à 4.2 unités standard après combinaison avec la mesure précédente faite au BNL [5].

Le premier résultat de l’expérience g-2 au Fermilab confirme le résultat de l’expérience réalisée au Brookhaven National Laboratory il y a 20 ans.
Lorsqu’ils sont combinés, les résultats de cette mesure montrent qu’il y a un écart avec les prédictions théoriques du modèle standard.
Image : Ryan Postel, Fermilab/Muon g-2 collaboration

Une méthode différente a été récemment suivie par une autre équipe comprenant des chercheurs du CNRS [6], qui révèle dans Nature le résultat de son calcul de cette contribution. Or, il réduit l’écart avec la valeur expérimentale connue jusqu’ici. Le modèle standard n’a donc peut-être pas dit son dernier mot ! Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont calculé cette contribution ab initio, c’est-à-dire en ne faisant appel qu’aux équations du modèle standard, sans paramètre supplémentaire. Avec environ un milliard de variables, plusieurs supercalculateurs européens massivement parallèles [7] ont été nécessaires pour relever cet énorme défi. Pour la première fois, un tel calcul rivalise en précision avec l’approche de référence qui donne des valeurs du moment magnétique du muon plus éloignées de la valeur mesurée.

Pour trancher définitivement, il faudra attendre que le résultat de ce calcul théorique soit confirmé par d’autres équipes et comprendre d’où viennent les différences entre les deux approches théoriques. C’est ensemble que les équipes françaises du CNRS relèvent actuellement ce défi. Leur espoir, en combinant les approches, est d’obtenir une nouvelle prédiction théorique de référence suffisamment précise pour décider du sort du modèle standard dans quelques années, lors de la publication des résultats définitifs de l’expérience « Muon g-2 » du Fermilab et d’une expérience ayant des objectifs similaires, menée au Japon.

Bibliographie :

  • Le résultat de l’expérience g-2 :
    Measurement of the Positive Muon Anomalous Magnetic Moment to 0.46 ppm B. Abi et al. (Muon g−2 Collaboration),
    Phys. Rev. Lett. 126, 141801 – Published 7 April 2021
  • Valeur théorique de référence utilisée par l’expérience « Muon g-2 » :
    The anomalous magnetic moment of the muon in the Standard Model, The g-2 Theory Initiative, Physics Reports, 3 décembre 2020. DOI : 10.1016/j.physrep.2020.07.006
  • Le résultat du nouveau calcul théorique publié récemment dans la revue Nature :
    Leading hadronic contribution to the muon magnetic moment from lattice QCD, The BMW Collaboration, Nature, 8 avril 2021. DOI : 10.1038/s41586-021-03418-1 .

Voir aussi : https://www.cnrs.fr/fr/physique-des-particules-les-muons-nous-meneront-ils-vers-une-nouvelle-physique

Contact au LPNHE : Bogdan Malaescu


[1Mesure effectuée au Brookhaven National Laboratory (États-Unis) entre 1997 et 2001

[2Le modèle standard de la physique des particules est la théorie qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions.

[3Le groupe DHMZ, composé de Michel Davier (IJCLab CNRS/Université Paris-Saclay), Andreas Hoecker (CERN, Genève), Bogdan Malaescu (LPNHE, CNRS/Sorbonne Université) et Zhiqing Zhang (IJCLab), a publié 10 articles de référence sur le sujet, cités plus de 3000 fois.

[4La valeur théorique de référence utilisée par l’expérience « Muon g-2 » a été obtenue en confrontant les résultats des différents groupes travaillant sur ce sujet dans le monde et publiée dans Physics Reports en 2020. Elle est très proche de la dernière valeur publiée par le groupe DHMZ en 2019.

[6Outre l’équipe de Laurent Lellouch au Centre de physique théorique (CNRS/Aix-Marseille Université/Université de Toulon) en France, la collaboration « Budapest-Marseille-Wuppertal » implique l’Université Eötvös Loránd (Hongrie), l’Université de Wuppertal et le Forschungszentrum Jülich (Allemagne), ainsi que la Pennsylvania State University (États-Unis).

[7Ceux du Forschungszentrum Jülich, du Leibniz Supercomputing Centre München, du High Performance Computing Center Stuttgart en Allemagne ; Turing et Jean Zay à l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (Idris) du CNRS et Joliot-Curie au Très grand centre de calcul (TGCC) du CEA en France, via le Grand équipement national de calcul intensif (Genci).

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