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XENON1T observe un excès d’événements imprévu

par Sophie Trincaz - 19 juin 2020

La collaboration internationale XENON a annoncé que les données de XENON1T, l’expérience de Matière Noire la plus sensible au monde, montrent un excès surprenant d’événements. Les scientifiques ne prétendent pas avoir trouvé de Matière Noire. Au lieu de cela, ils disent avoir observé un taux d’événements imprévu, dont la source n’est pas encore entièrement comprise. La signature de l’excès est similaire à ce qui pourrait résulter d’une petite quantité résiduelle de tritium (un atome d’hydrogène avec un proton et deux neutrons), mais pourrait également être le signe de quelque chose de plus excitant - comme l’existence d’une nouvelle particule élémentaire connue comme l’axion solaire ou l’indication de propriétés encore inconnues des neutrinos.

XENON1T a fonctionnée au sein du laboratoire sous-terrain INFN du LNGS, Laboratori Nazionali del Gran Sasso en Italie, de 2016 à 2018. L’expérience a été conçue au préalable pour détecter directement la Matière Noire, qui représente 85% de la matière dans l’univers. Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont observé que des preuves indirectes de la présence de Matière Noire et une détection directe et définitive n’a pas encore été effectuée. Les soi-disant WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles) sont parmi les candidats théoriquement préférés, et XENON1T a jusqu’à présent fixé la meilleure limite sur leur probabilité d’interaction pour une large fourchette de masses possibles. En plus de la Matière Noire de type WIMPs, XENON1T était également sensible à différents types de nouvelles particules et interactions qui pourraient expliquer d’autres questions ouvertes en physique. Ainsi, l’année dernière et à l’aide des données provenant de ce même détecteur, ces scientifiques ont publié dans Nature l’observation de la désintégration nucléaire la plus rare jamais mesurée directement.

Le détecteur XENON1T contenait 3,2 tonnes de xénon liquide ultra-pur, dont 2,0 tonnes servaient de cible active. Lorsqu’une particule traverse la cible, elle peut générer de minuscules signaux de lumière et libérer des électrons d’un atome de xénon. La plupart de ces interactions sont produites par des particules connues et déjà observées. Les scientifiques ont soigneusement estimé le nombre d’événements provenant de ce fond dans XENON1T, et ainsi lorsque les données de XENON1T ont été comparées au bruit, un excès surprenant de 53 événements par rapport aux 232 événements attendus a été observé.

Cela pose une question passionnante : d’où cet excès provient-il ?

Une explication pourrait être une nouvelle source de bruit de fond, auparavant non prise en compte, causée par la présence de petites quantités de tritium dans le détecteur XENON1T. Le tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène, se désintègre spontanément en émettant un électron avec une énergie similaire à celle observée. Seuls quelques atomes pour 1025 (10 000 000 000 000 000 000 000 000 !!!) atomes de xénon seraient nécessaires pour expliquer l’excès. Actuellement, aucune mesure indépendante ne peut confirmer ou infirmer la présence de tritium à ce niveau dans le détecteur, de sorte qu’une réponse définitive à cette explication n’est pas encore possible.

Plus largement, une autre explication pourrait être l’existence d’une nouvelle particule. En fait, l’excès observé est distribué dans un spectre d’énergie similaire à celui attendu pour l’interaction des axions produits dans le Soleil. Les axions sont des particules hypothétiques qui ont été proposées pour préserver la symétrie temporelle inverse de la force forte nucléaire, et le Soleil pourrait en être une source importante. Bien que ces axions solaires ne soient pas des candidats pour expliquer la Matière Noire, leur détection marquerait la première observation d’une classe de nouvelles particules bien motivée mais jamais observée, avec un impact important sur notre compréhension de la physique fondamentale, mais aussi sur les phénomènes astrophysiques. De plus, les axions produits justes après la naissance de l’Univers pourraient également être la source tant recherchée de Matière Noire.

Alternativement, l’excès pourrait également être dû aux neutrinos, dont des milliers de milliards traversent votre corps, sans entrave, chaque seconde. Une explication pourrait être que le moment magnétique (une propriété de toutes les particules) des neutrinos est supérieur à sa valeur dans le Modèle Standard des particules élémentaires. Ce serait, là aussi, un indice fort de la présence de nouveaux phénomènes physiques nécessaires pour l’expliquer.

Des trois explications envisagées par la collaboration XENON, l’excès observé est le plus cohérent avec un signal d’axion solaire. En termes statistiques, l’hypothèse de l’axion solaire a une signification de 3,5 sigmas, ce qui signifie qu’il y a environ 2 chances sur 10 000 que l’excès observé soit dû à une fluctuation aléatoire plutôt qu’à un signal. Bien que cette probabilité soit assez élevée, elle n’est pas assez grande pour conclure à l’existence d’axions. La signification des hypothèses sur le tritium et sur le moment magnétique anormal du neutrino correspond à 3,2 sigmas, ce qui signifie qu’elles sont également cohérentes avec les données.
XENON1T passe maintenant à sa prochaine phase - XENONnT - avec une masse active trois fois plus grande et un bruit de fond qui devrait être inférieur à celui de XENON1T. Avec les données de meilleures qualités provenant de XENONnT, la collaboration XENON est convaincue qu’elle découvrira bientôt si cet excès est un simple hasard statistique, une nouvelle contamination particulièrement faible du bruit de fond ou quelque chose de bien plus excitant : une nouvelle particule ou interaction qui va au-delà de la physique connue.
La collaboration XENON comprend 163 scientifiques de 28 institutions situées dans 11 pays. 3 équipes françaises y contribuent : celle coordonnée par Dominique Thers à Nantes au laboratoire SUBATECH (IMT Atlantique - CNRS/IN2P3 - Université de Nantes), celle coordonnée par Luca Scotto Lavina au LPNHE (CNRS/IN2P3 - Sorbonne Université) à Paris et celle coordonnée par Carla Macolino à Orsay au laboratoire IJCLab (Laboratoire de Physique des 2 Infinis Irène Joliot Curie, Université Paris-Sud, CNRS/IN2P3, Université Paris-Saclay).
Le groupe LPNHE a déployé son savoir-faire technique avec notamment les réalisations des stations-services de Xénon liquide ReStoX, la realisation de la chaine de traitement des données, le suivi de la qualité des données, mais aussi avec la participation active des prises de données, leur analyse et la vie de la collaboration.

Des moyens matériels au LPNHE ont pu être apportés grâce aux contributions du CNRS et la région Ile-de-France.

Pour plus d’informations, consultez le site web de l’experience XENON et l’article rapportant ces résultats.

Contact au LPNHE : Luca Scotto Lavina

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