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Jeanne Laberrigue, la plus ancienne physicienne du laboratoire, s’est éteinte à près de 100 ans

Jeanne Laberrigue-Frolow, la plus ancienne physicienne du laboratoire s’est éteinte, le 18 décembre dernier. Elle avait contribué à sa création dans les années 1950 à 70.

Née en 1925, elle aurait eu 100 ans au mois d’avril prochain. Ses parents russes vivaient en France. Son père, Vladimir Frolow, était un hydrologue réputé, qu’elle accompagna enfant, lors d’une mission en Syrie. Un contact précoce avec la Science ! Durant la guerre, adolescente, elle perdit son frère dans la résistance. Cette perte la marqua beaucoup.

Après des études supérieures en mathématiques, physique et chimie générales à la Sorbonne, elle entre au laboratoire du Collège de France en octobre 1947. Elle soutient sa thèse de doctorat d’état en physique nucléaire en 1955, avec trois prix Nobel dans son jury. Après la mort d’Irène Curie en 1956, le laboratoire est alors dirigé par Frédéric Joliot. En 1958, ce dernier lui fit faire un séjour de 8 mois à Dubna au nord de Moscou, durant lequel elle travaillera dans le groupe de Bruno Pontecorvo, un prestigieux élève d’Enrico Fermi.

Les années 1950-60 virent l’émergence de la Physique des Hautes Énergies. Le CERN créé en 1954, mit en service en 1959 un puissant synchrotron de protons. Un certain nombre de physiciens nucléaires décidèrent de se convertir dans les hautes énergies. Jean Teillac, sous directeur de l’Institut de Physique Nucléaire d’Orsay (IPN) qui succèdera à Frédéric Joliot à sa mort en 1958, comprit l’intérêt des hautes énergies. Il chargea Jeanne Laberrigue-Frolow, après son séjour de 8 mois à Dubna, de mettre sur pied, à l’IPN un groupe d’analyse de clichés de chambre à bulles.

Soutenu par le CEA d’André Berthelot, le groupe de Jeanne rejoignit dans les années 60 la collaboration « Saclay Orsay Bari Bologne », qui étudiait les interactions d’antiprotons produits par l’accélérateur du CERN dans une chambre à bulles. Ce succès poussa Teillac à implanter un groupe à Paris, dans les locaux de l’Institut du Radium transféré à Orsay. Dans ce qui fut le laboratoire de Marie Curie, on installa des tables de scanning au dessus de son jardin et dans le sous-sol de coûteux appareils de mesure de clichés de chambre à bulles !

Entre-temps, de grands travaux implantèrent sur le campus de Jussieu, les deux nouvelles universités de Paris VI et VII. Un puissant centre de calcul, aujourd’hui transféré à Lyon, fut installé, surmonté d’une coupole. La partie parisienne de l’IPN d’Orsay, s’installa dans le nouveau campus. Le groupe fut dirigé après sa nomination comme professeur à l’Université par Paul Falk-Vairant, physicien au laboratoire d’André Berthelot à Saclay. En 1964, il fut décidé de regrouper autour de la calculatrice les physiciens de l’IPN. Aux « bullistes » s’ajoutèrent des « électroniciens » préparant des expériences au CERN.

Après les évènements de 1968, Jean Teillac prit la direction de la division des hautes énergies de l’IPN, avec comme adjointe Jeanne Laberrigue-Frolow à laquelle succèdera Marcel Goldberg. Parallèlement, il travailla à la création de l’Institut de Physique Nucléaire et de Physique des Particules, l’IN2P3 qui sera créé en 1971, afin de coordonner les budgets et moyens des laboratoires de Physique Nucléaire et de Physique des Particules du CNRS.

En 1970, le Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies (LPNHE), notre laboratoire, fut également créé, regroupant les physiciens de l’IPN travaillant à Jussieu. Jean Teillac en fut le premier directeur, auquel succèdera André Astier. Un petit escalier sous la coupole du centre de calcul montait au bureau de Jeanne. Elle continua d’y accueillir et conseiller chacun de nous. Animée par sa passion pour son travail de chercheuse, elle disait souvent qu’il faut que « beaucoup cherchent pour qu’un trouve ».

A la fin de sa carrière et au delà, Jeanne Laberrigue-Frolow avait à cœur de faire connaître notre discipline au grand public. Elle fut à l’origine durant 20 ans de films et d’émissions télévisées sur la physique des particules et le nucléaire. En voici quelques titres : Les années particulaires (CNRS Audiovisuel 1984, avec la participation de Pierre Auger, Louis Leprince-Ringuet, Francis Perrin, Carlo Rubbia, etc …), Irène et Fred (Téléfilm historique TF1 1984), Une entrée dans la Matière (La Sept - Portrait de Carlo Rubbia 1990), Le grand collisionneur (INA et La Sept-CERN 1992 avec Georges Charpak, diffusion ARTE), Les vitrines de la radioactivité (Université Pierre et Marie Curie 1995), La radioactivité (série Allô la Terre 1984), Surprises de la matière (CNRS Audiovisuel 1997), Virgo (INA 1999 diffusion La Cinq), Le proton nous enterrera tous (CNRS-Images 2010), etc ...

Elle fut aussi l’auteur de différents textes sur l’histoire de la radioactivité et des découvertes qui ont suivi dont « Histoire de la physique des particules de sa naissance à sa maturité, Masson (1990) » ainsi que « La Physique des particules élémentaires, de sa naissance à sa maturité, 1930-1960 ». En 2001, elle participa à la création du site internet de l’IN2P3 laradioactivité.com. Elle y écrivit plusieurs articles sur les découvertes et l’histoire de notre discipline.

En 2011, lors d’une journée anniversaire fêtant les 40 ans de la création du LPNHE, Jeanne Laberrigue-Frolow avait participé à un entretien pour raconter les débuts du laboratoire. L’interview est à retrouver ici.

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